Un futur pour les Géants

Est-il possible de « déformater » et de réparer des éléphants captifs en vue d’un retour à l'état sauvage ?

     Déprogrammer et réparer des éléphants captifs du Laos afin de les remettre à l’état sauvage. C’est le pari ambitieux que s’est fixé l’Elephant Conservation Center (ECC) au Laos.

     Déformater ce que l’homme a engendré sur ces pachydermes, durant les dernières décennies industrielles, afin de leur donner la possibilité de procréer à nouveau et de reconstituer des hardes anéanties par des années de captivité, n’est pas chose aisée.

     Il faudra attendre mars 2019, soit presque dix années après que le projet ait été initié, avant de pouvoir opérer une première expérience de relâcher vers l’état sauvage. Une première au Laos !

     Autrefois surnommé le « Pays du million d’éléphants », le Laos hébergeait d’importantes populations d’éléphants sauvages et domestiques. Au cours des dernières décennies, l’industrie forestière et les sites touristiques se sont emparé de ces icônes vivantes pour les transformer en esclaves ouvriers. Lorsque les éléphants n’y ont pas laissé la vie, ils y ont perdu toute possibilité de se reproduire.

     En 2019, le constat est effrayant: leur population est estimée à environ 400 individus captifs et 400 vivants à l’état sauvage. Le taux de mortalité a dépassé le taux de natalité et si rien n’est fait il ne devrait plus y avoir d’éléphants au Laos d’ici une trentaine d’années.

     Face à cette tragédie, dans la Province de Sayaburi, au Nord Est du Laos, un centre de conservation des éléphants a vu le jour avec deux objectifs principaux :
– Endiguer la chute de la natalité des éléphants captifs en leur permettant de se reproduire.
– Remette à l’état sauvage des groupes d’éléphants captifs au préalables resocialisés en hardes socialement compatibles et capables de survivre sans l’aide des hommes.

Un challenge ambitieux encore jamais réalisé au Laos.

     Les acteurs de ce projet ont vite compris que celui-ci ne pourrait pas être mis en place sans réhabiliter les cornacs et leur savoir ancestral. Leur connaissance du pachyderme reposant sur des millénaires de relation entre l’homme et l’animal ainsi que leur savoir de la biodiversité allaient être les piliers de ce pari fou.

     En Mars 2019, ce sont cinq éléphants d’une harde spontanément reconstituée qui a été désignée pour faire le grand saut. Ce sont aussi cinq cornacs qui ont accepté de tenter l’aventure en accompagnant leur binôme dans la Jungle. Un temps nécessaire et indéterminé pour couper le cordon entre eux et l’animal mais aussi pour valider que les pachydermes rendus à l’état sauvage pourront y vivre à long terme. Un sacrifice social et familial que les proches des cornacs soutiennent en arrière front en pourvoyant aux tâches du quotidien.

Tout le travail de reportage, d’investigation et de présence sur le terrain, va alors avoir pour but de retranscrire en images ce long et précieux processus de réhabilitation des éléphants dans l’espace sauvage. Intégrer une équipe, sans être un fardeau dans le quotidien, dans un milieu parfois hostile et précaire ( la Jungle) a été l’enjeu tout au long de ces semaines de reportage afin d’être au plus prés de ces acteurs d’un pari ambitieux pour la préservation de l’espèce.

Un équilibre et une démarche globale de développement durable qui pourrait faire caisse de résonance pour d’autres espèces déjà inscrites par l’ONU dans la 6 éme extinction de masse.